Journal du confinement par Felicia

Qui est Felicia?

Depuis deux ans environ Felicia bénévole à la maison d’Annie, passionnée d’écriture, retranscrit des récits de vie avec des résidents qui le souhaitent. Durant cette période de confinement, Felicia nous propose à travers sa plume de la suivre dans son aventure Coronavirus… 

Journal du Confinement 2020. Il était une fois, Coronavirus…

Je suis bien tranquille à la maison, mais comment vous aider ? Je ne sais pas ! Alors j’écris mon journal de bord. Je vous l’envoie (enfin une partie, puisque je l’alimente chaque jour). Si vous pouvez vous en servir pour le lire aux résidents, n’hésitez pas, sinon ça vous fera un moment de paix et de lecture pour vous les soignants. A très bientôt j’espère, j’ai hâte de vous revoir tous. Et saluez bien pour moi toutes les personnes qui se sont confiées à moi. je pense bien à elles et je les embrasse. Amités, gros bisous et courage. Félicia

Semaine 2 – jour 8- Lundi 23 /03

D’abord une sidération totale la première semaine, les premiers jours.  Je ne pouvais même pas l’écrire. Comme une chose qui ne voudrait pas s’inscrire au fond de moi. Comme si les mots étaient passés au-dessus de ma tête. Confinement. Un mot douillet, qui rappelle le cocon, le nid. Un endroit où l’on se love quand on est malade, fiévreux. Un endroit où on se cache pour pleurer, s’exiler, ne plus penser, dormir.Confinement. On nous dit que c’est un mot de guerre. Où sont les bombes, les cris, les tumultes.Confinement, confinez-vous, restez chez vous ! Une litanie vomit sans interruption par tous les médias, visuels, sonores, écrits. Restez chez-vous ! Une injonction, un ordre. On n’est pas malade, pourquoi rester chez nous ?Nous, on voudrait sortir, aller voir nos parents, nos enfants, s’ils vont tous bien. On voudrait parler à nos amis, échanger, râler, s’interroger. Pourquoi ne doit-on pas sortir. Où est ce virus ? Où se loge-t-il ? C’est une aberration. D’habitude on nous dit de rester tranquille chez nous pour soigner un rhume, une petite grippe, une toux, une maladie tangible, un mal que l’on peut discerner, voir.Tout est chamboulé. Rester chez nous en bonne santé !

Déjà, au jour 9, on se demande comment ça va se passer !

Semaine 2 – jour 9 – Mardi 24/03

On s’organise. Sortir pour remplir le frigo ! Sortir avec la crainte de toucher, de croiser les porteurs du virus. Se protéger. Mettre des gants ? Je n’ai que des gants de vaisselle ! Courir le risque d’être ridicule, tant pis. Mettre un masque. Je n’en ai que deux. Et après, on fera comment ?Tant pis je sors sans masque et sans gants. Je ferai attention.Dans le magasin, beaucoup de monde. Plus rien aux fruits et légumes. J’aurais dû me lever et venir tôt. Je me promets d’y penser pour la prochaine fois.Je me dépêche, choisi dans les rayons les produits au plus vite, sans hésiter, sans regarder le prix.J’ai une liste, mais j’ai tendance à prendre d’autres choses, au cas où ! En fait, je réagis comme ces gens qui ont rempli leur caddie de papier hygiénique. Pas pour le P.Q. il n’y en a plus. Tant pis, j’ai déjà une petite avance.Je vais vite, me tiens à l’écart, comme si toutes ces personnes étaient pestiférées. En fait elles le sont ! C’est dur cet état d’esprit qui m’envahit et dont je ne peux me défaire.Vite je m’échappe hors du magasin. J’ai hâte de retrouver ma voiture et de me rincer les mains avec mon gel hydroalcoolique, de retrouver la sécurité de la maison !

Semaine 2 – jour 10 – mercredi 25/03

Je suis allée marcher autour du lotissement. On a droit à une heure de marche seule et à moins de 1 km de son domicile. C’est bon, je reste dans les règles en prenant les sentiers qui entourent les maisons. Si on déroge à la règle on a une prime de 135 €. Çà ne rigole pas. Je n’avais pas encore vu la police dans les parages, mais aujourd’hui j’ai croisé deux motards dans la rue principale du lotissement.

Semaine 2 – jour 11- jeudi 26/03

Ce matin je suis partie très tôt pour faire des courses. J’essaie Auchan. J’espère, en passant par les petites routes, ne pas rencontrer les flics. Le magasin le plus proche de mon domicile est Intermarché. Mais bon ! A un kilomètre près … Et puis, j’ai besoin de poissons et à Auchan je trouve ce qu’il faut. Le parking est assez clairsemé. On ne se lève pas tôt, on dirait ! Arrivée devant les portes, une file de caddies attend que deux agents de sécurité autorisent les entrées. Je patiente, en prenant soin de garder la distance nécessaire. Dans la voiture j’ai enfilé des gants et pris un masque, au cas où. Je sais que c’est une précaution peut être inutile, mais ça me rassure.Je me demande si l’attente va être longue et je regrette déjà de ne pas être allée à l’Intermarché, quand l’un des gardes appelle : « les personnes de plus de 70 ans, les personnes dont les métiers sont au service des hôpitaux, les personnes à risques, etc… » Bingo ! Je vais pouvoir doubler tout le monde et entrer dans le magasin. Je suis gênée, quand même. Je suis à risques, je le sais, j’ai plus de 70 ans, d’accord, mais tous ces gens qui attendent patiemment, je suis un peu mal à l’aise. Je n’aurais jamais cru, qu’un jour, je serai contente d’être « âgée ». Enfin, j’y vais. L’agent de sécurité devant la porte n’a pas l’air commode. Je m’apprête à lui montrer ma carte d’identité, au cas où il ne voudrait pas croire à « mon grand âge », quand il lève la main pour m’indiquer : « ce n’est pas la peine, Madame, vous pouvez entrer ».Mon illusion est tombée d’un coup, et je me suis dit : Qu’est-ce-que tu croyais ma fille ? Cette fois, voilà, tu fais vraiment ton âge !

Semaine 2 – jour 12 – vendredi 27/03

J’ai fait 4km ce matin autour de chez moi. La nature explose. Les fossés se parent de fleurs. Les genêts exhalent leur parfum poivré. Je respire à plein poumons. Je respire. Je respire.Je respire pour tous ceux qui sont empêchés, pour tous ceux que l’on doit intuber, pour tous ceux qui bientôt ne pourront plus respirer !Sale virus ! laisse nous tranquille. Passe ton chemin, quitte la terre. Ne t’es-tu pas encore assez gavé de nos vies ?Oui, je sais, le moral n’est pas très bon aujourd’hui. Mon amie, ma précieuse amie, M. est sûrement infectée. Son mari peut-être aussi. Elle passera le cap, j’en suis sûre et certaine et ça ne peut pas être autrement !Je marche, je marche, enragée, admirant la nature qui se réveille.La peur est là, latente, dans chaque sortie, chaque chose touchée, chaque gorge irritée. Des semaines à tenir, et nous tiendrons.

Semaine 2 – jour 13 – samedi 28/03

Ciel gris, froid glacial. Le vent du nord courbe la cime des pins. Le moral est comme le temps : ciel bas. On attend la neige. Elle est annoncée. Peut-être serons-nous divertis, tous aux fenêtres pour regarder les flocons tomber !On apprend l’infection de certains, le décès d’autres. On commence à s’habituer à cette litanie de morts : 1000, 2000, 3000. Quand cela va-t-il s’arrêter ?C’est dimanche, mais c’est comme les autres jours. Peut-être un peu plus de silence dans la rue. Les gens ne sortent pas, les voitures ne roulent pas. J’imagine tout ce monde affalé devant la télé, ou lisant un livre, ou jouant au poker menteur avec les enfants. Peut-être certains dorment-ils, prolongeant au-delà du nécessaire, la sieste.Les enfants nous ont appelé par whatsApp. C’est bien, on se voit, on se sourit …mais ça ne remplace pas.Serrer mes enfants dans mes bras c’est ce qui me manque le plus aujourd’hui !

Semaine 2 jour 14 – 29/03

Il a neigé cette nuit. Tout est blanc, figé. Retour à la case hiver ! C’est chaque fois pareil ! Dès le mois de mars, le soleil pointe son nez et les prés fleurissent. Les arbres font la course. C’est à qui fera éclore les premières fleurs en premier. La nature éclate. Nous, pauvres humains, nous nous réjouissons. Nous pensons que la page hiver est tournée, que le printemps est sympa de venir si tôt. Alors on projette, on anticipe, on sort le matériel de jardin, on sème, on désherbe. On commence à quitter les pulls, à sortir des armoires les tee-shirts, on range les doudounes, les manteaux, les bottines, et puis… On se réveille un matin et tout est blanc, figé.Pas bon pour le moral ! Le confinement va durer. On le sait, on le sent.Pour aujourd’hui, j’en ai assez. J’ai passé des heures au téléphone avec une amie, une belle-sœur, un frère, à raconter toujours les mêmes choses !Je pense tout d’un coup, qu’il y a une personne que je n’ai pas appelé depuis longtemps. Je m’en veux de l’avoir oubliée. Je vais le faire sur le champ. A demain !Est-ce que j’ai vraiment besoin d’une dizaine de tee-shirts manches courtes, d’une autre dizaine manches longues, des chemisiers à fleurs, à pois, à carreaux, des débardeur blancs, noirs, rouges, des pantalons blancs courts, longs, larges, étroits, des pantalons de toutes les couleurs, etc…A réfléchir ! Prévoir de donner, donner, donner tout ce que je n’ai pas mis depuis un an.

Semaine 4 – jour 22 – lundi 6/04

Courses au LDL de Firminy. Je veux acheter des produits d’entretien et des fruits frais. Un monde masqué, pressé, silencieux. Je ne reste pas longtemps, un peu oppressée par cette atmosphère.L’après-midi, balade autour de la maison. En respirant l’air doux du printemps, en imaginant que dans quelques temps nous serons libres d’aller et venir, de voir nos amis, nos enfants. Pas tout de suite, pas demain ni après-demain, mais quand ?

Semaine 4 -jour 23 – mardi 7/04

Belle journée encore. Pas de chance pour les confinés des villes ce soleil qui les nargue !Les vêtements d’hiver gagnent les hauts des placards dans des housses. Ceux d’été descendent sur les cintres libérés. Les sandales sortent de leurs boites et laissent la place aux bottines et bottes fourrées.Le ballet des tenues est moins gai que d’habitude. C’est le printemps c’est vrai ! Et Alors ?

Semaine 4 – jour 24 – mercredi 8/04

Encore plus chaud cet après-midi. Un temps d’été avant l’heure. Même pas envie de sortir le barbecue.Même pas envie de sortir le salon de jardin ! Pourtant, il faudra bien !Il faudra bien faire comme si, tout à coup des amis allaient venir. Nous prendrions l’apéritif sur la terrasse, à l’ombre du parasol, assis confortablement dans nos fauteuils un verre de pastis ou de jus de fruit à la main. Quelques olives à grignoter et après on s’occupera des grillades.Ce ne sera pas pour aujourd’hui, mais je sais qu’un jour ça arrivera. Il suffit d’attendre patiemment que le Covid-19 meure !

Semaine 4 – jour 25 – jeudi 9/04

Non l’été ne peut pas s’installer maintenant ! Non l’été ne peut pas supplanter ainsi le printemps !Qu’il patiente, qu’il ronge son frein, son tour viendra, à son heure !Nous sommes le 9 avril et il fait aussi chaud qu’au mois de juillet ! Qu’est-ce à dire ? Que bientôt nous n’aurons plus de printemps ? Que nous passerons directement de la belle saison aux chaleurs insupportables ? Non, non et non. Je refuse.Moi je veux un printemps après l’hiver, je veux voir les primevères, les coucous, les violettes parfumer les fossés. Je veux sentir l’éveil des arbres, admirer l’apparition des premiers bourgeons, je veux voir les arbres fruitiers se parer de bouquets pâles et odorants. Je veux marcher sur l’herbe tendre, offrir à mes pieds la fraîcheur d’une pelouse naissante. Je veux entendre les piaillements des oiseaux qui nichent dans les haies, le sifflet du merle qui charme sa belle en haut du cyprès. Je veux prêter mon visage aux rayons doux du soleil, sans qu’il me brûle, sentir l’air frais du matin. L’été viendra bien assez tôt, quand ce sera son tour. C’est le confinement, le temps qui ne manque pas qui m’apporte toutes ces réflexions. Je ne prenais pas, je crois, assez de temps pour admirer la nature comme je le fais depuis l’injonction de ne pas sortir. Et moi, qui peut passer mon temps dehors, j’ai peur de voir les saisons toutes chamboulées !

Semaine 4 – jour 26 – Vendredi 10/04/20

Des records de température partout en France. Je l’avais dit, tout part à vau-l’eau ! Courses ce matin à Auchan. Mon « grand âge » me permet encore une fois de ne pas faire la queue !Le magasin est pareil à lui-même. Une montagne d’œufs en chocolat, de lapins, de poules vous accueille. Qui pourra acheter ? Quelques familles avec enfants ? Où cacher les œufs ? Dans les chambres, dans les placards, sous l’évier ?

La chasse aux œufs dans le jardin, terminé pour nous. C’était peut-être la dernière année. Les petits derniers grandissent. Aurons-nous la joie de l’organiser pour nos arrières petit-enfants ! Je ne crois pas aux miracles !

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